musculation végétarisme , Les végétariens et la musculation
TEXTE RICK MILLER // PHOTOS ROBERT REIFF, IAN SPANIER ET MICHAEL DARTER
La viande et les performances athlétiques étant étroitement liées, il est presque inévitable, et même attendu, que les athlètes adoptent un régime carnivore pour améliorer leur masse musculaire et donc leurs performances sportives… cependant, la viande est-elle votre seule option? Poursuivez votre lecture pour le savoir!
Depuis l’avènement des athlètes de force aux Jeux olympiques, de nombreux documents historiques expliquent que les sportifs d’antan consommaient quotidiennement de grandes quantités de viande. En dépit de la popularité croissante du végétarisme dans nos sociétés modernes, la seule idée de réduire leur apport protidique panique les athlètes, qui craignent de voir fondre leur muscle chèrement acquis, de souffrir de carences en micronutriments, de voir leur taux de testostérone s’effondrer et de perdre leurs forces.
Pourtant, un nombre croissant d’athlètes d’élite collectionnent les succès sans consommer de viande.
Parmi les mieux connus, Bill Pearl, 4 fois M. Univers et membre du panthéon de l’IFBB, et les jeunes stars du sport professionnel, comme Raja Bell, joueur de basket-ball dans l’Utah, et Jon Fitch, le champion du combat libre.
Qu’en est-il vraiment? Est-il possible de prendre lourd, d’obtenir d’excellentes performances et même d’arriver au sommet de son sport en suivant un régime à base de plantes? Avant de nous intéresser à la mécanique du végétarisme, veuillez jeter un coup d’œil au tableau 1, qui décrit les principales formes qu’il prend.
Des orientations diverses continuent à voir le jour, mais elles sont souvent ambiguës en termes d’aliments qu’elles autorisent et proscrivent (flexitariens, semivégétariens). C’est pour cela que les professionnels évitent d’en parler (Venderley & Campbell, 2006). Vous avez peut-être aussi entendu parler de la macrobiotique, un ancien principe alimentaire visant à harmoniser la nutrition en équilibrant les différents aliments qui composent le régime.
Bien qu’elle fasse souvent partie des débats sur le végétarisme, le choix des aliments et les méthodes de cuisson changent radicalement en fonction de la saison, du climat, du sexe, de l’âge et des besoins personnels.
La macrobiotique peut même parfois comprendre de la viande et autres produits animaux. En l’absence d’études scientifiques prouvant l’existence des effets de la macrobiotique sur les performances sportives, je ne l’ai pas incorporée dans le tableau, qui ne décrit que les formes de végétarisme les mieux connues.
Tableau 1.
Catégories classiques du végétarisme et aliments acceptés
Type Alimentation
Lacto-ovo-végétarisme
Pas de viande rouge, de volaille ou de poissons. Les œufs et les produits laitiers peuvent être exclus ou non en fonction des préférences individuelles. L’ovo-végétarisme proscrit le lait et les produits laitiers. Le lacto-végétarisme proscrit les œufs et les produits tirés des œufs.
Végétalisme
Proscrit tous les aliments et produits tirés des animaux (y compris la gélatine, le miel et autres additifs tirés des animaux).
Fruitarisme
Consommation exclusive de fruits et de graines.
L’ORIGINE DES ESPÈCES
Vous êtes-vous jamais demandé d’où vient le végétarisme? En fait, c’est une forme d’alimentation qui pourrait bien remonter à l’aube de l’humanité. Cependant, son nom officiel ne remonte qu’à 1847, date à laquelle cette pratique a été officialisée par la Vegetarian Society, qui continue à la promouvoir aujourd’hui (Vegetarian Society, 2012).
Les anthropologues évolutionnistes (chercheurs spécialisés dans l’étude des humains) et les archéologues continuent à débattre des origines de la consommation de viande chez les humains. Il n’existe pas de consensus clair sur son avènement ou sur les raisons pour lesquelles les humains ont cessé de s’alimenter exclusivement à l’aide de plantes, pour se mettre à dévorer de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers (lait de vache, par exemple).
Les études actuelles et celles portants sur les premiers humains et leurs habitations indiquent que la consommation de produits d’origine animale leur a sans doute apporté un avantage. Cependant, ce n’était pas une exigence incontournable, car de nombreuses sociétés de chasseurs-cueilleurs semblent avoir prospéré sans pour autant consommer de produits animaux (Milton, 2000), qui peuvent apporter une quantité significative d’énergie (selon leur teneur en graisse) et sont plus faciles à digérer que les aliments issus de plantes. En effet, les animaux carnivores ont comme particularilé communes avec les humains d’avoir, avec un intestin relativement court (Milton, 1999).
Selon la théorie de la motilité, le régime des premières sociétés d’humains comprenait de la chair animale, riche en énergie et en protéines, et des fruits, des nectars (comme le miel), des oléagineux et des graines ainsi que les premières céréales (Milton, 2000), ce qui pourrait avoir permis aux humains de coloniser d’autres parties du monde (Cordain et coll. 2005). Associées au fait que les maladies dues au mode de vie (obésité, coronaropathies, diabète de type II) n’existaient pas à cette époque (Cordain et coll. 2000, 2005), ces études intéressantes ont soulevé l’idée que l’adoption du régime ‘de l’homme des cavernes’, du ‘chasseur-cueilleur’ ou ‘paléolithique’, moins riche en céréales et en produits laitiers et plus riche en fruits, en légumes et en protéines et lipides tirés des produits animaux, pouvait contribuer à une meilleure santé et à la lutte contre de telles maladies (Cordain et coll. 2005).
Cet article ne vise pas à approfondir l’alimentation des premiers humains (dont nous ignorons tout), mais nous pouvons en tirer quelques enseignements utiles:
1. Les données sur l’évolution humaine montrent qu’il est possible de survivre en adoptant une vaste gamme de régimes, principalement composés de produits animaux ou n’en contenant aucun. Cependant, dans l’ensemble, nous ne sommes pas programmés pour être carnivores (même si nous adorons l’idée de dévorer des steaks à longueur de journée). Le corps est tout simplement incapable de cataboliser assez de protéines pour fournir au moins 50% de nos besoins quotidiens en énergie (Speth, 1989, Milton, 2000). Comme l’expliquent le Dr Lisle et le Dr Goldhamer, les célèbres auteurs de The Pleasure Trap (2006):
“Les personnes qui essaient d’utiliser la théorie de l’évolution pour guider leur réflexion sur la nutrition humaine se basent sur une idée fausse, qui veut que le régime alimentaire adopté au fil de l’histoire est celvi qui serait le meilleur pour la santé. Il s’agit d’une erreur grave, qui augmente la probabilité d’erreurs majeures.”
Il semble donc que les légumes fassent depuis plusieurs millions d’années partie du régime des humains, et ne soient pas prêts de passer à la trappe.
2. On sait aussi que la grande majorité de l’apport nutritionnel des premiers humains était tirée de sources végétariennes (Krebs, 2009), souvent issues de la culture d’un aliment de base unique (ignames, millet, haricots ou autre source végétale abondante). Les produits animaux ne semblent pas être nécessaires, et d’ailleurs, leur disponibilité variable fait que de nombreuses peuplades ont réussi à survivre sans eux.
3. Un apport protidique important et prolongé pourrait avoir des conséquences pour la santé. Les meilleurs panels de recherche de la nutrition sportive suggèrent que les athlètes n’ont pas besoin de prendre plus de 2 g de protéines par kilo de poids du corps par jour (Tipton & Witard, 2007, Academy of Nutrition and Dietetics, 2009, Lemon, 2011) pour optimiser l’amélioration de l’hypertrophie (prise de masse). Certains nutriments essentiels doivent aussi être ingérés à partir d’autres groupes alimentaires (comme les fruits et légumes) afin de satisfaire les besoins quotidiens. Source: www.guardian.co.uk
ALLONS AU FOND DES CHOSES
Il existe de nombreuses raisons de suivre un régime végétarien (Phillips, 2005): pratiques religieuses (Bouddhisme), protection des animaux (People for the Ethical Treatment of Animals ou PETA), protection de la santé ou lutte contre la progression d’une maladie. De nombreuses revues affirment que le végétarisme améliore la longévité et permet même de lutter contre de nombreuses maladies. Les individus soucieux de leur santé et les groupes de végétariens (comme la Vegetarian Society) militent en faveur de l’adoption d’un régime majoritairement composé de produits issus des plantes.
Le nombre de Britanniques se déclarant végétariens a connu une augmentation spectaculaire au cours des cinquante dernières années. Les statistiques de la Deuxième Guerre mondiale suggèrent que dans les années 40, à peine 0,2% de la population était végétarienne. Ce chiffre a augmenté pendant les mouvements de contestation des années 70 jusqu’aux années 2000, lorsque la National Diet and Nutrition Survey (NDNS) a estimé que ce chiffre oscillait entre 5 et 7% (Henderson et coll., 2002, Phillips, 2005). Par comparaison, d’autres pays, comme l’Inde, comptent jusqu’à 30% de végétariens (Yadav & Kumar, 2006). Parmi les sportifs, le végétarisme ne semble pas entraver les performances. Fauja Singh, le Britannique centenaire qui a commencé à courir des marathons à l’âge tendre de 81 ans, attribue son excellente santé et ses performances sportives à son régime végétarien (BBC, 2011).
LE VÉGÉTARISME A-T-IL VRAIMENT UN TEL IMPACT SUR LA SANTÉ?
Sur le plan épidémiologique, les raisons d’adopter un régime végétarien semblent convaincantes. Certaines des populations ayant la plus longue espérance de vie, comme les moines tibétains (qui sont nombreux à vivre plus de cent ans) attribuent leur résistance surhumaine aux maladies et leur impressionnante longévité à l’absence de viande dans leur régime, qui est l’un des principes du Bouddhisme (Hazra, 1994).
Il semble que l’adoption du régime végétarien ne soit pas conseillée qu’aux moines tibétains. Une grande partie des informations disponibles sur les régimes végétariens et leurs impacts sur la santé des résidents britanniques est dérivée de l’étude European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition-Oxford (EPIC-Oxford). Un échantillon de 63 500 hommes et femmes a montré que les végétariens et les végétaliens encouraient un moindre à risque de mortalité toutes causes confondues que les carnivores (Key et coll. 2003), et que le risque de développer une cardiopathie ischémique (Key et coll. 2006), une diverticulite (maladie intestinale) (Crowe et coll. 2011) et une cataracte (Appleby et coll. 2011) était inférieur de 24% à celui des carnivores.
En plus de cela, une étude approfondie du Dr Campbell, professeur de biochimie nutritionnelle à l’université de Cornell, à la tête du projet China depuis 20 ans, a trouvé 8 000 liens possibles entre les personnes consommant des protéines animales et la prévalence de maladies chroniques, comme le diabète de type II, les cardiopathies et le cancer. Selon lui, un régime constitué en majorité de plantes est porteur de vitalité et de santé (Campbell & Campbell, 2006). Cependant, une autre étude à long terme sur les effets du végétarisme sur des maladies comme le cancer, la congestion cérébrale, le cancer de la prostate, le cancer du sein, l’hypertension et les troubles de l’appareil digestif ne présente pas encore de preuves concrètes quant aux avantages sur la santé des régimes végétariens par rapport à un régime omnivore sain (comprenant tous les groupes alimentaires) (Key, 2006). Certains effets sur la santé d’un régime végétarien pourraient s’expliquer par des facteurs liés au mode de vie, comme la suppression dans le régime de sources de carcinogènes, comme la fumée de cigarette et les composés azotés (comme ceux qu’on trouve dans les aliments raffinés), la pratique d’une activité sportive régulière et la réduction générale de l’obésité (Mangels et coll. 2011, Key et coll. 2006).
Des études plus approfondies sont nécessaires pour confirmer l’influence exacte d’un régime végétarien, et la plupart des chercheurs conviennent qu’il est trop tôt pour suggérer que le végétarisme est un mode de vie préférable aux autres (Fraser, 2009).
Cependant, un régime végétarien apporte certains avantages confirmés.
1. une augmentation significative de l’apport en fibres.
Elle atteint le double de celui des non-végétariens (Crowe et coll. 2011). Or, pour 10 g de fibres alimentaires (notamment tirées des céréales complètes) ingérées, le risque de cancer colorectal et d’autres cancers de l’intestin baisse de 10%. Une augmentation des fibres dans le régime pourrait donc suffire à réduire vos chances de devenir l’un des 38 500 nouveaux cas de cancer de l’intestin diagnostiqués chaque année au Royaume-Uni (Aune et coll. 2011). L’augmentation des fibres ayant également un effet satiétogène (suppression de la faim), si vous souffrez de fringales à répétition, essayez de prendre quelques repas végétariens pour satisfaire votre estomac.
2. Une réduction de l’apport en graisses:
Les personnes soucieuses de leur santé savent maintenant que les lipides alimentaires ne mènent pas forcément à l’épaississement du tissu adipeux, et que certaines graisses sont même nécessaires à une bonne santé (comme les acides gras oméga 3). Cependant, cette source d’énergie riche (de calories) améliore la saveur des aliments, et la surconsommation est donc un piège dans lequel il est facile de tomber. Une réduction de l’apport lipidique général, pour l’amener à 20-30% de l’apport calorique, peut être une manière efficace de perdre les kilos hivernaux sans souffrir de conséquences adverses. Les légumes fibreux, les tubercules (pommes de terre, citrouille, courge), les haricots, les pois chiches, les lentilles et les glucides complets et riches en féculents (céréales, pain, semoule, riz sauvage) sont pauvres en matière grasse, mais très nutritifs.
3. Acides gras essentiels
Les régimes végétariens composés avec soin peuvent être naturellement riches en acides gras essentiels et mono-insaturés à condition de comprendre des oléagineux, des graines et des huiles de plante (huile d’olive). Associé à un apport faible en graisses saturées, ce type de régime peut améliorer le taux de cholestérol (Barnard et coll. 2009). Le seul inconvénient d’un régime végétarien strict est qu’il peut être pauvre en acides gras oméga 3 comme l’acide eicosapentanoïque (EPA) et l’acide docosahexanoïque (DHA), qui apportent de nombreux avantages pour la santé, comme la régulation de la pression artérielle, une augmentation de la sensibilité à l’insuline, une amélioration de l’humeur et une réduction de la masse grasse (Simopoulos, 2007). Cependant, l’huile de lin, les noix, les œufs et le soja sont des sources naturelles d’acide alphalinoléique (ALA), un précurseur végétarien des bons acides gras qui convertissent l’EPA et le DHA dans le corps. Une cuillère à soupe d’aliments riches en ALA par jour (représentant environ 10% de l’apport d’énergie total) devrait suffire à répondre à vos besoins (Goyens et al.2006).
SE MUSCLER SANS VIANDE
Convaincu? Vous aimeriez essayer ce mode d’alimentation, mais, cher lecteur de Muscle & Fitness, votre esprit critique vous pousse au scepticisme. Vais-je voir mes muscles fondre pour finir par ressembler à des pruneaux séchés?
Finirai-je avec une force digne d’une feuille de laitue? L’étude des régimes végétariens a toujours été problématique pour les chercheurs, car, comme le montre le tableau 1, leur contenu peut connaître d’importantes variations. Il est donc difficile d’évaluer avec certitude les avantages pour la santé et les performances des pratiquants, qui font souvent des choix différents quant aux aliments autorisés et interdits. Par souci de simplicité, j’ai décidé de démolir à coup d’informations scientifiques cinq des mythes les plus courants sur le régime végétarien des athlètes:
MYTHE 1. IL NE CONTIENT PAS ASSEZ DE PROTÉINES DE QUALITÉ!
Inutile de monter votre propre société de suppléments pour disposer de suffisamment de protéines prise de masse: il suffit d’un peu d’organisation pour garantir qu’un régime végétarien (et même végétalien) contient assez de protéines pour répondre à tous vos besoins. Cela est confirmé par les études comparant les athlètes végétariens et non végétariens, dont les besoins en protéines pour une bonne hypertrophie étaient satisfaits ou dépassés (Academy of Nutrition and Dietetics, 2009). Les sportifs suivant un régime lacto ou ovo-végétarien ont le plus de facilité à satisfaire leurs besoins en protéines, grâce aux œufs et aux produits laitiers. Les végétaliens n’ont pas non plus de problèmes à cet égard, car les oléagineux, les graines, les haricots, les pois chiches, les lentilles et les produits au soja (tofu, tempeh, lait de soja) leur permettent également d’avoir suffisamment de protéines dans leur régime.
La conversion des acides aminés soulève aussi souvent des préoccupations. Ce sont les éléments bâtisseurs de toutes les protéines dans le corps, y compris celles du tissu musculaire, et ils remplissent de nombreux rôles, et notamment celui de neurotransmetteurs (messagers chimiques), qui stimulent les voies métaboliques et transportent d’autres nutriments dans les cellules (Gropper et coll. 2008). Quand les 22 acides aminés ne sont pas fournis par le régime (et particulièrement les 9 acides aminés essentiels), la synthèse protéique est limitée et d’autres conséquences pour la santé peuvent survenir. Par exemple, la maladie héréditaire phénylcétonurie est causée par un défaut du métabolisme d’un des acides aminés (phénylalanine). Les protéines tirées des plantes sont souvent vilipendées pour leur faible teneur en acides aminés essentiels par rapport aux protéines animales, et sont donc souvent considérées comme des sources de protéines de mauvaise qualité. Les sources de protéines sont souvent évaluées pour leur capacité à fournir les acides aminés essentiels, ce qui détermine leur ‘qualité’ intrinsèque, à l’aide du test Protein Digestibility-Corrected Amino Acid Score (PDCAAS). Un score parfait de 100 indique une qualité nutritionnelle de 100% sur l’échelle PDCAAS et des protéines animales de très haute qualité (comme les protéines d’œufs et de caséine), et certaines protéines tirées des plantes, comme le soja, obtiennent souvent un score entre 84% et 99% (selon la forme de l’aliment, comme la poudre de protéines ou le soja). Étant donné que les protéines du bœuf atteignent normalement un score de 92%, cela n’a rien de honteux! Le tableau 2 donne le classement de différentes plantes.
Tableau 2.
Évaluation de la qualité des protéines issues des plantes selon le test PDCAAS
Sources de protéines – PDCAAS (%)
Caséine – 100
Blanc d’œuf – 100
Concentré de protéines de soja – 99
Bœuf – 92
Haricots rouges – 68
Flocons d’avoine – 57
Lentilles – 52
Adapté à partir d’Endres (2001) p.13
On voit donc qu’il s’agit d’une idée fausse à oublier au plus vite. Les aliments issus de plantes ont une teneur plus faible en acides aminés, mais à peine 15% de l’apport protidique d’un adulte doit provenir des acides aminés essentiels (Young and Pellet, 1994) pour garantir une croissance et une maturité normales. À peine 20 g de l’apport d’acides aminés total d’un athlète végétarien visant la prise de masse doit être composé d’acides aminés essentiels. Le reste peut provenir de sources diverses. Si vous consommez des produits laitiers et des œufs, vous ne devriez avoir aucun problème pour obtenir suffisamment de protéines végétariennes, mais même les végétaliens peuvent espérer prendre de la masse.
MYTHE 2. JE N’ARRIVERAI JAMAIS À ASSEZ MANGER!
En fait, c’est le contraire. Bien que des études aient indiqué qu’une proportion élevée d’aliments issus de plantes dans le régime fournit moins d’énergie totale à cause de la place qu’ils occupent dans l’estomac (Sanders et coll. 2000), les athlètes végétariens ont rarement du mal à consommer suffisamment de calories. L’Academy of Nutrition and Dietetics (anciennement appelée American Dietetic Association) est toujours d’avis qu’un régime végétarien ou végétalien soigneusement composé satisfait les besoins d’athlètes suivant un programme d’entraînement exigeant (Academy of Nutrition and Dietetics, 2009). Les régimes végétariens peuvent être très riches en énergie (calories). Pour cela, il suffit de faire les bons choix (Phillips, 2005). Les personnes cherchant à augmenter leur apport en énergie s’intéresseront pour commencer aux produits laitiers plus énergétiques, comme la crème entière, le lait biologique, le yaourt et le fromage blanc de campagne et même les œufs, qui contiennent les protéines et l’énergie dont a besoin un végétarien ciblant la prise de masse. Les fruits riches en énergie, comme les bananes, les avocats, les dates, les olives, le raisin et les fruits secs peuvent aussi contribuer à l’apport total. Afin d’augmenter l’apport en protéines et en acides gras essentiels, l’athlète végétarien consommera des légumes riches en énergie comme les pommes de terre, le maïs, les petits pois, les haricots, les lentilles et les pois chiches, et ajoutera quelques oléagineux et graines à son plan repas. Il suffit d’une bonne planification pour ajouter au régime des milliers de calories. Les végétariens peuvent sans problème prendre de la masse et avoir une pêche d’enfer.
MYTHE 3. UN RÉGIME VÉGÉTARIEN MÈNE À UN PHYSIQUE FAIBLE ET RACHITIQUE!
Tout pratiquant moyen qui se respecte sait que la prise de masse et de puissance ne se réduit pas à l’alimentation. Il est aussi essentiel de suivre un bon programme d’entraînement garantissant l’amélioration de la force, de dormir suffisamment et bien et de récupérer correctement (avec des suppléments triés sur le volet, le cas échéant!).
Faible?
La recherche confirme que la teneur en créatine des muscles (composé biologique intracellulaire qui aide à produire l’énergie nécessaire à la production de puissance à court terme, comme celle nécessaire à la musculation progressive) des athlètes végétariens est 10% inférieure à celle de leurs homologues carnivores (Burke et coll. 2003). C’est important, car, comme de nombreux athlètes qui prennent des suppléments de créatine monohydrate en témoigneront, tout juste 3 à 5 g de créatine monohydrate suffisent à provoquer des améliorations significatives de la production de puissance et de force (Parise et coll. 2001). La chair animale étant une source naturelle de créatine, on pourrait penser que les athlètes végétariens risquent de manquer de force. Pourtant, après avoir suivi un programme de musculation progressive visant l’hypertrophie (prise de masse) pendant 21 à 56 jours, les athlètes végétariens obtenaient des performances comparables à celles des non végétariens. La principale étude suggère même que les suppléments de créatine monohydrate semblent avoir un effet plus important sur l’amélioration de la force et de la masse maigre (Burke et coll. 2003, Wieder, 2010). Cependant, des recherches plus approfondies sont nécessaires pour confirmer cela.
Rachitique?
Les études sur la composition corporelle des athlètes végétariens et non végétariens manquent de détails. La majorité des études semblent suggérer que les végétariens sont plus faibles et moins musclés, mais elles sont souvent basées sur des populations non sportives ou parfois inappropriées, comme les personnes âgées souffrant des effets négatifs du vieillissement sur la masse musculaire (Tang & Phillips, 2009, De Souza Genaro & Martini, 2010), et même les enfants (Hebbelinck et coll. 1999). Certaines différences peuvent s’expliquer par une plus faible teneur en créatine dans les muscles des sujets végétariens, qui attire le liquide dans le tissu musculaire et produit une impression de masse maigre réduite. Quand des suppléments de créatine ont été utilisés pour réduire cette distorsion, de petites études n’ont trouvé aucune différence dans la composition corporelle des deux groupes (Wieder, 2010). Tant que de nouvelles études n’auront pas été réalisées, il n’y a aucune raison de penser qu’un végétarien se supplémentant en créatine ne puisse pas être aussi écorché et musclé qu’un non-végétarien. Avec ses exploits sur scène, Bill Pearl en est la preuve.
MYTHE 4. LE TAUX DE TESTOSTÉRONE VA DÉGRINGOLER!
Ah! La testostérone, cette source de la virilité. Comme elle est inégalée dans le domaine de la stimulation de la prise de masse, on comprend que les pratiquants cherchent tous à optimiser leur production de cette hormone vitale, et qu’ils soient terrorisés à l’idée qu’un régime végétarien puisse la réduire.
Nombreux sont ceux qui pensent que les phytoestrogènes castrent la testostérone toute-puissante. Il s’agit d’un groupe de composés chimiques naturels qui se lient aux récepteurs à l’œstrogène dans le corps. Ils ont des effets antioestrogéniques et œstrogéniques, et sont présents dans la totalité des aliments tirés des plantes, mais dans des quantités variables.
Tous les hommes ont besoin d’une certaine quantité d’œstrogène endogène dans le sang pour assurer un bon fonctionnement physiologique et une santé normale, mais l’œstrogène n’a pas d’effets myotrophiques directs (amélioration de la croissance des cellules musculaires), au contraire de la testostérone (Handelsman, 2009). L’augmentation du ratio de testostérone par rapport à l’œstrogène augmente donc généralement la force et la masse musculaires des hommes.
Des études sur les rats cherchant à réduire l’incidence du cancer de la prostate ont montré une réduction de 50% de la testostérone (par le biais d’une réduction de l’activité du 5-alpha réductase dans les testicules) chez les rongeurs ayant suivi un régime riche en phytoestrogènes (Weber et coll. 2001). Cependant, pour obtenir un tel effet chez les humains, il faudrait prendre une quantité de phytoestrogènes équivalant environ à 20 mg/kg de poids du corps.
Une portion de tofu contenant 20 mg de phytoestrogènes, un individu de 70 kilos devrait consommer 7 000 g (7 kg) de tofu pendant plusieurs semaines pour constater un effet.
En conséquence, une analyse de 38 études cliniques a constaté qu’une consommation normale de phytoestrogènes n’avait aucun effet sur le taux de testostérone des hommes en bonne santé. Le soja, pourfendeur de la testostérone? Allons, allons.
MYTHE 5. VOUS SEREZ CARENCÉ EN VITAMINES ET MINÉRAUX!
Pour commencer, si vous avez lu mon article Les micronutriments au service de la performance sur l’importance des vitamines et minéraux pour les athlètes, qui est paru dans le numéro d’avril de M&F (www.muscle-fitness.fr/micronutriments), vous devez savoir que les exigences varient énormément entre les individus. Un niveau de micronutriments toxique pour un individu pouvant être le minimum absolu pour un autre (Bender, 2002), il est difficile de prévoir une carence lors du passage à un régime végétarien.
Dans un tel cas, certains micronutriments sont généralement moins disponibles et moins bien absorbés à cause de la présence d’anti-nutriments (phytates et oxalates) dans les légumes et les plantes. Ces anti-nutriments se lient aux minéraux et empêchent leur absorption dans la muqueuse intestinale. On a beau en absorber d’importantes quantités, leur absorption reste faible. Les sources animales de certains minéraux sont aussi présentées sous forme facilement assimilable. Par exemple, le fer tiré de la viande à diffusion hématogène est facilement absorbé, tandis que le fer tiré des plantes l’est beaucoup moins. C’est pour cela que certains statuts de micronutriments ont tendance à être plus faibles chez les végétariens. Du côté des minéraux, le fer, le zinc, le calcium et les vitamines D et B12 ont tendance à être plus faibles chez les végétariens que chez les non-végétariens, les végétaliens affichant le taux le plus faible (Key, 2006). On peut facilement rectifier la situation en sachant d’où tirer ces importants micronutriments. Voir le tableau 3.
Tableau 3.
Micronutriments particulièrement importants pour les athlètes végétariens
Micronutriment – Fer
Fonction
Composant essentiel de l’hémoglobine. Nécessaire au transport de l’oxygène dans les muscles en activité par le biais du sang.
Sources alimentaires
Céréales du petit déjeuner fortifiées, haricots, soja, épinards, chou frisé et brocoli. La vitamine C renforçant son absorption, essayez de prendre du jus d’orange aux repas.
Micronutriment – Zinc
Fonction
Participation à la fonction immunitaire et à la stabilité de la production d’énergie à l’intérieur des cellules musculaires.
Sources alimentaires
Légumes, céréales complètes, oléagineux, graines, fruits secs.
Micronutriment – Vitamine B12
Fonction
Coenzyme nécessaire à la production d’énergie et à l’action des tissus nerveux.
Sources alimentaires
Produits laitiers, œufs, lait de soja fortifié et céréales.
Micronutriment– Vitamine D
Fonction
Promotion de la minéralisation des os, du fonctionnement du système nerveux, de la sensibilité à l’insuline et de la synthèse protéique.
Sources alimentaires
Avant tout la lumière du soleil, mais aussi les produits laitiers, les œufs, le lait de soja fortifié et les céréales. Des suppléments peuvent être nécessaires pour obtenir un niveau optimal pendant les mois d’hiver.
Micronutriment – Calcium
Fonction
Essentiel au maintien de la structure osseuse, de la stimulation musculaire et des transmissions nerveuses.
Sources alimentaires
Produits laitiers, lait de soja fortifié et céréales. Certains légumes pauvres en oxalate, comme le brocoli.
Adapté à partir de Venderley & Campbell (2006)
AVANTAGES, INCONVÉNIENTS ET CONCLUSIONS
J’espère que cette explication des origines du végétarisme et cette remise en cause de certains mythes et de certaines idées fausses sur l’impact des plantes sur l’alimentaion et les performances vous montrent qu’il est non seulement possible, mais même avantageux, de diminuer l’apport protidique. Ceux qui se préoccupent du sort des animaux seront ravis de l’entendre.
Mon opinion professionnelle reste incertaine quant à l’adoption d’un régime végétarien par les athlètes. Je serais tenté de conseiller à ceux désirant adopter ce mode de vie sans compromettre leurs performances de choisir un régime lacto-ovo-végétarien, à moins d’avoir des raisons spécifiques de ne pas le faire. Pour les sportifs suivant un programme d’entraînement intense, le grand problème posé par ce mode de vie est que plus le choix d’aliments est restreint, plus des problèmes nutritionnels risquent de voir le jour.
Je vais vous laisser avec une citation d’un athlète qui a montré qu’on peut très bien se forger un physique puissant sans viande, et qu’il suffit pour cela de vouloir être le premier et de ne jamais abandonner:
“À chaque année passée à suivre mon régime (lacto-ovo-végétarien), je me sens mieux. Je suis en meilleure santé, j’ai plus d’énergie à l’entraînement, et je ne suis plus le “gros dur” d’antan.
Je m’intéresse plus à mes frères humains et aux autres habitants de la planète. Cela fait presque 20 ans que je suis végétarien. Le poisson, la volaille et la viande rouge sont proscrits, et pourtant je suis aussi musclé qu’à l’époque où j’ai gagné quatre titres M. Univers! Les gens ont du mal à le croire. Ils pensent que pour avoir de gros muscles, il faut manger de la viande. C’est un mythe qui a la peau dure. Croyez-moi, la viande n’est pas un produit magique qui va faire de vous un champion du bodybuilding. On trouve tous les composants de la viande dans d’autres aliments.” M&F
– Bill Pearl
(4 fois M. Univers, membre du panthéon de l’IFBB et bodybuilder végétarien)
Rick Miller est diététicien pour le système de santé anglais il, travaille avec des bodybuilders naturels d’élite pour les aider à améliorer les volets entraînement et nutrition de leurs programmes. Rick est titulaire d’une Licence en biologie de l’université de St Andrew’s, d’une maîtrise en nutrition sportive et de l’exercice de Loughborough University, et d’un diplôme du troisième degré en diététique de l’université de Leeds Metropolitan. Si vous avez des questions ou des témoignages pour Rick, veuillez le contacter à l’adresse suivante: rmiller@weideruk.com
Bibliographie:
Joint Position Statement: Academy of Nutrition and Dietetics (formerly American Dietetic Association), Dietitians of Canada, American College of Sports Medicine (2009) Nutrition and Athletic Performance. Medicine & Science in Sports & Exercise, 109(3), p.709-731
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Fitnessmith se spécialise en musculation et nutrition depuis 2011. Fitnessmith partage ses connaissances via son site, ses vidéos YouTube, ses podcasts et ses réseaux sociaux (Instagram, Facebook). Il propose des conseils basés sur les découvertes scientifiques et son expérience personnelle dans le domaine. Il écrit tous les mois pour le magazine Fitnessmag et apparait dans de nombreux autres podcasts et vidéos sur le web.
Fitnessmith propose aussi des programmes et des solutions pour perdre de la graisse et prendre du muscle sur son site. Vous pouvez également lire les avis sur Google.
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Thanks
Salut Théo,
Ton article est vraiment super. J’ai commencé la muscu début octobre et j’ai en même temps pris la décision de devenir végétarien pour plusieurs raisons qui sont principalement écologiques, condition animal et santé. Cela fait donc maintenant 3 mois et je commence franchement à avoir des résultats sympas (bien évidement qui correspondent à un niveau débutant, mais qui je pense n’ont rien du tout à envier à un pratiquant du même niveau ayant un régime omnivore), notamment en terme de prise de masse où j’ai déjà réussi à prendre plusieurs kilos vraiment facilement! Je n’ai pour le moment relevé aucun problème particulier, bien au contraire.
Pour en revenir à ton article, je trouve qu’il apporte un très bon échantillon de réponses aux premières questions que l’on peut se poser quand on pense végétarisme avec musculation. Car oui, la musculation et le végétarisme demandent tous deux de bien se renseigner, alors les deux ensembles encore plus afin de pouvoir continuer à progresser et ce en bonne santé.
Plus généralement, j’ai découvert ta chaine YouTube et ton site il y a peu de temps et j’enchaine tes vidéos/articles qui sont vraiment très intéressants. Continue comme ça! Bye
Merci pour ton retour ça me fait plaisir :)
Incroyablement précis et juste cette article, au top!
Super l’article Theo.
Personnellement après 9 mois j’ai arrêté le régime végétarien d’une part par pressions sociales: en france ça reste mal vue de ne pas consommer d’animaux mais surtout car ca m’ennuyer de devoir consommer des produits potentiellement néfastes pour la santé et industriells (soja hyper transformés)
Après reste la possibilité de consommer oeufs et produits laitiers mais la encore ça reste des aliments controversés à haute dose.
Et comme tu le précise un moment donné on à l’impression de manger souvent la même chose.
J’ai préféré (un peu comme toi j imagine ) aller sur un régime très méditerranéen à base de viande blanche, poisson, legume à foison, cereale, oeuf et bons lipide.
En revanche je vois que dans tes assiettes tu consommes beaucoup de viande et parfois des mauvaises pour la santé (bacon)
Penses tu réduire un peu ta consommation ?
Salut, non je garde tous ces aliments dans mon roulement, le bacon bio est très ponctuel. Je fais très attention à ne pas tomber dans un extrême vis-à-vis des choix des aliments. Merci pour ton retour d’expérience !